Histoire des origines au XIIIe siècle (partie 2)

LA BRETAGNE DES PREMIERS SIÈCLES :
DU IVe AU XIe SIÈCLES

 

Comme pour la période allant des origines à la fin de la période gallo-romaine, les éléments concernant l’histoire de la commune de Hillion peuvent conduire à de nombreux développements. Nous avons choisi de ne présenter ici que les éléments essentiels permettant de connaitre, de la fin de la période gallo-romaine jusqu’au XIe siècle, quelle a été la vie sur le territoire de la commune.

 

Pour ces périodes reculées, les sources d’informations sont rares, fragmentaires, parfois partiales, et souvent écrites très postérieurement aux évènements décrits. Il convient donc d’être prudent dans la présentation de cette Bretagne des premiers siècles et de ce que nous pouvons connaitre de la vie à Hillion pendant cette période.

 

Pour rendre compréhensible les faits qui se sont déroulés à Hillion, illustrés par une iconographie, nous nous sommes appuyés sur les conditions régionales, et parfois même nationales, dans lesquelles ces faits s’inscrivaient. Il ne s’agit cependant pas de présenter une monographie exhaustive sur ce que nous connaissons de ces périodes, ce sera l’objet de travaux ultérieurs qui prendront également en compte les recherches que notre association continue d’effectuer.

Dernière mise à jour, le 13 février 2019 à 11:41
Fresque des périodes d'évolution de l'Homme d'Hillion à nos jours

La disparition de la civilisation gallo-romaine et le début de l’installation des Bretons

 

Au IVe siècle, on distingue la Bretagne (actuellement Grande-Bretagne) habitée par des peuples celtes et en particulier des Bretons puis progressivement, à partir de la fin  du IV° siècle par des Angles et des Saxons  (qui deviendront les Anglosaxons), et l’Armorique (Bretagne actuelle) habitée par les peuples gaulois plus ou moins romanisés.

 

Situation générale de l’empire romain au IVe siècle

 

Dès le IIe siècle, l’empire romain est soumis à des incursions barbares, qui sont repoussées sans trop de difficultés. L’empire à son apogée couvre un territoire immense, de l’Occident au Moyen-Orient, ceinturant toute la méditerranée (Mare Nostrum). Aux IIIe et IVe siècles, la pression des peuples dits barbares s’accentuant de plus en plus, l’empire est fréquemment envahi, principalement sur ses frontières extérieures, au Moyen-Orient et dans l’Est de l’Europe. Le ramollissement des moeurs à Rome, les querelles incessantes pour prendre le pouvoir facilitent ces percées et ces implantations qui fragilisent les routes commerciales, engendrent une grande insécurité, même pour les établissements les plus éloignés comme ceux d’Armorique, entraînant une grave crise économique.

 

Les raids des saxons et la surveillance des côtes nord de l’Armorique

 

En Armorique, les incursions des pirates saxons sont de plus en plus fréquentes et dévastatrices. On a exposé ci-avant, qu’à la Grandville en Hillion, comme dans d’autres lieux du littoral (Yffiniac, Port Aurel, Fréhel….) des traces d’incendie sur des vestiges archéologiques, datées de la fin du IIIe siècle, semblent attester de ces bouleversements. Pour essayer de faire face à ces menaces, le pouvoir romain renforce le contrôle des côtes, crée de nouvelles voies plus proches du littoral, et met en place des groupes de soldats pour surveiller les mouvements en mer. Il semblerait qu’il ait été fait appel à des troupes d’auxiliaires venus de Bretagne insulaire, notamment du pays de Galles et de Cornouailles. De par sa situation géographique particulière, il est probable qu’un groupe de soldats aient été positionné à la pointe de la presqu’île de Hillion.

 

Les découvertes de dépôt monétaires au Champ Oisel, et à Carquitté (environ 4 kg) laissent à penser qu’effectivement sous la pression d’évènements tragiques, de riches personnages n’ont eu que le temps d’enfouir leurs richesses monétaires pour les mettre à l’abri. Mais ils ne sont jamais venus les récupérer… Une autre hypothèse, peut-être la plus plausible, est que le désordre général dans l’Empire ayant engendré une très forte inflation, les pièces de monnaies ne valaient plus rien, et leurs possesseurs les mettaient à l’abri dans l’espoir d’une remontée des cours. Les pièces de monnaies les plus tardives découvertes à Hillion sont datées du début du IVe siècle (cf fiche 110302). Par la suite, la dégradation de la vie économique, les troubles fréquents conduisent probablement à une modification forte du mode de vie.

 

Les vétérans de la XXe légion romaine de Bretagne s’installent en Armorique

 

Au IVe siècle, La Bretagne insulaire (Britannia) est divisée en quatre provinces où séjournent trois légions. Les Bretons ont tout d’abord été sujets des romains, puis, en vertu de l’Edit de Caracalla, ils deviennent citoyens romains en 212. Le pouvoir central à Rome étant faible après la mort de Valentinien Ier en 375, et les troubles persistant dans l’empire, les légions romaines de Bretagne (composées probablement, principalement d’autochtones) élisent comme empereur leur général Magnus Clemens Maximus. Celui-ci, débarque en Gaule avec la XXe légion pour prendre le pouvoir. Militaire aguerri, il s’impose rapidement, vainc l’empereur Gratien qui est tué. Il s’ensuit une longue période de luttes pour le pouvoir, au début favorable à Maximius, puis le vent tourne et il est vaincu, fait prisonnier et mis à mort.

 

Le devenir des légions bretonnes suscite des interrogations tant pour les observateurs du IVe siècle que pour les historiens actuels. Nennius (moine gallois du IXe siècle) écrit dans Historia Brittonum: "II (Maxime) refusa de renvoyer en Bretagne à leur femme, enfants et pays, les soldats qui l'avaient accompagné, mais leur donna de nombreux districts depuis le sommet du mont Jovis jusqu'à la ville de Quentovic, et jusqu'aux confins de l'Occident, où se trouve Cruc Ochidient. Car les Bretons d'Armorique, qui sont outremer, y arrivèrent avec le tyran Maxime en campagne et, depuis, refusèrent de revenir ".

 

L’interprétation qui est faite des différents textes est, qu’après sa prise de pouvoir, Maximius récompense ses légions en leur octroyant en 384 des terres en Armorique, territoire connu de nombre de Bretons insulaires envoyés pour la surveillance des côtes, et en vis-à-vis de la Bretagne. L’amnistie décrétée par Théodose (empereur d’Orient, vainqueur de Maximius) confirme la possession des territoires dévolus. Selon les recherches effectuées par Jean-Claude Even (Kavell ar vro), le territoire mentionné par Nennius va de Hillion à la pointe occidentale de l’Armorique, avec pour limite sud Kerchouan, point culminant de partage des eaux situé au sud-ouest de Quintin. Selon cette hypothèse, l’implantation des premiers bretons en Armorique daterait donc du IVe siècle, donc peut-être à Hillion.

 

Constatin, Empereur de 306 à 337
Costumes Gallo-romains
Magnus Maximius, empereur usurpateur, puis légitime
Manuscrit de Nennius

Les premiers siècles de la Bretagne,
en particulier à Hillion

 

La migration bretonne s’intensifie en Armorique

 

A la fin du IVe siècle, sous la poussée des Huns, les peuples de l’est du Rhin envahissent l’empire romain: Goths, Vandales, Francs, Ostrogoths, Saxons, Burgondes…. L’empire se disloque, l’armée romaine de Bretagne, après avoir appelé en renfort des supplétifs saxons pour contrer les Pictes et les Scots, abandonne la Bretagne au début du Ve siècle. Des clans bretons émigrent vers l’Armorique, où ils sont certains de trouver des habitants proches d’eux par les coutumes et la langue, car les relations ont depuis toujours été étroites entre les peuples des deux côtés de la Manche.

 

Vers le milieu du Ve siècle, les Angles et les Saxons envahissent la Bretagne, repoussent les Bretons vers le Pays de Galles et la Cornwall, provoquant une nouvelle migration vers l’Armorique, plus importante que les précédentes. Elle est organisée par les chefs de clans et l’Eglise, notamment par les sept saints fondateurs. L’île de Bretagne devient la Grande-Bretagne, et l’Armorique devient progressivement la Bretagne.

 

La migration bretonne s’intensifie en Armorique

 

La Vita Briocii, écrite au cours du XIe siècle par un moine angevin, est une hagiographie de saint Brieuc. Albert Le Grand, reprend cette source en 1636 et décrit l’arrivée du moine Brieuc et de ses compagnons dans le territoire de l’actuelle ville de saint Brieuc.

 

« (Il)nasquit en la Province de Cornoüaille Insulaire (maintenant nommée la Principauté de Walles) en la Grande Bretagne. choisissant quatre-vingt-quatre Moynes de ce Monastere (…) , il s'embarqua,et (…) rengeant la Coste jusqu'au Havre de Cesson, maintenant nommé le Legué, qui est le Havre de S. Brieuc, où ayant pris terre, il se mist à considérer l'assiette & situation du lieu, lequel trouvant un séjour agreable, il entra dans une forest là prés(…). Ils furent aperceus par un Chasseur, domestique du Comte Rigual, qui demeuroit lors dans un sien Manoir prés cette forest. (…), Rigual, le connoissant, s'écria : « Quoy ? c'est Brieuc, mon Cousin! ».(….) & en reconnoissance de cette faveur, luy donna ce sien Manoir, avec toutes ses apartenances, pour s'y accommoder & ses Religieux.»

 

Dans son ouvrage monumental « Histoire de Bretagne » (Tome1-1905), Arthur de la Borderie estime que « la Vita Briocii est déparée par des transpositions évidentes et des interpolations grossières».

 

Dans son texte ou se côtoient traduction et commentaires, il mentionne que « Brioc fait boire à Rhigall de l’eau fraîche bénite à son intention, qui lui enlève aussitôt toutes ses douleurs. Rhigall, par reconnaissance et pour retenir Brioc auprès de lui, lui donne son manoir du Champ du Rouvre et tout le plou qui en dépendait s’étendant jusqu’à la rivière l’Urne. Lui-même se retire dans l’autre division de son domaine comprise entre l’Urne et le Gouëssan, formant le plou d’Helion (aujourd’hui Hillion). Rhigall avait là un autre manoir, élevé peut-être sur les ruines d’une ancienne villa romaine appelée Vetus Stabulum (Vieille Etable). Quand le comte, chef du plou, y fixa sa résidence, le nom changea : ce lieu devenant le siège de l’autorité qui régissait le plou d’Helion, fut nommé désormais la cour de justice d’Helion, Aula helioni, en breton Lis-Helion. Ce nom subsiste encore dans un village de cette paroisse et marque ainsi pour nous, après quatorze siècles, le séjour du vieux Rhigall.»

Les grandes invasions des peuples dits barbares
L’émigration bretonne en Armorique
Débarquement de bretons
Légende de saint Brieuc et les loups
Statue de saint Brieuc en bois polychrome du XVIe siècle- église St Jean-Baptiste de Hillion
Migrations de moines venant de la Bretagne insulaire
Moines évangélisateurs (source http://histoiredeschretiens.over-blog.com)
Les diocèses bretons à la fin du Ve siècle
Locronan : médaillon de la chaire à prêcher (source Wikipedia)
Evolution du glissement vers l’Ouest de la frontière linguistique entre le IXe siècle et le XXe.
Carte de la Bretagne au IXe siècle

La présence des Vikings en Bretagne, dans la région de Saint Brieuc

 

Les raids et les implantations

 

Dès 843, les Vikings commencent leurs raids sur la Bretagne, attaquant Nantes qui est incendiée. Après une période de prospérité sous le roi Salaün (saint Salomon) qui meurt assassiné, une période tourmentée s’installe, à laquelle met fin Alain le Grand qui réussit à unifier les Bretons et à battre les Vikings à Questembert en 888. A sa mort (en 907), la situation devient instable avec des querelles de clans et la recherche du pouvoir par les grandes familles de Rennes, Nantes et Cornouaille. Les Vikings profitent de cette situation chaotique pour renforcer leurs attaques. Si les raids vikings sont restés dans la mémoire comme synonyme de tueries, de pillages et de destructions de villes et monastères, tous les envahisseurs n’ont pas ce comportement de conquérants. Nombre d’entre eux sont des commerçants avisés qui s’installent durablement dans plusieurs régions. Au sud de la Bretagne, à Nantes, Noirmoutier et Groix. Au nord de la Bretagne dans le Léon, à Tréguier, à Saint Brieuc et à Dol.

 

La carte fait apparaître que toute la côte nord de la Bretagne, du sud Goëlo à l’Est du Penthièvre, fait l’objet d’une colonisation éparse, avec un point d’appui fort au camp de Péran (Plédran), site important pouvant accueillir quelques centaines d’hommes.

 

Hillion reste sous la domination viking pendant plusieurs décennies. La toponymie indique que cette implantation a laissée durablement des traces : entre autres, clos Cotte (signifiant « petite maison »), Lermot (signifiant « lieu de rassemblement »). Dans une moindre mesure, l’étymologie de noms de familles actuels est révélatrice d’une bonne intégration de certains vikings parmi la population locale. Le nom Thoraval (du nom du dieu Thor, et du substantif vald signifiant puissance) est particulièrement significatif. Cela veut dire que cette implantation fut non seulement durable, mais souvent une colonisation pacifique pour pouvoir y laisser de telles traces, traces particulièrement sensibles sur la côte nord de Bretagne, sur les îles notamment. Il est probable que le commerce se développa grâce à leur qualité maritime. Cette période semble avoir duré au moins une cinquantaine d’années.

 

Alain Barbe-Torte chasse les Vikings de Hillion

 

Les soulèvements sporadiques des Bretons ne parviennent pas à chasser les Vikings. Yann, abbé de Landévennec sollicite le jeune Alain Barbetorte (Alan al louarn), petit-fils d’Alain le Grand, qui s’était exilé en Angleterre, pour délivrer la Bretagne. Alain débarque sur la côte de Dol avec une troupe de guerriers en 936, et reçoit le renfort d’une petite armée levée par Yann de Landévennec. Il commence la reconquête, chassant les Vikings de la région de Dol, puis immédiatement, il reprend la mer et attaque les Vikings de la région de Saint Brieuc qu’il chasse de ce territoire, et donc de Hillion. Il poursuit ses actions victorieuses à Plourivo, puis à Nantes, délivrant l’ensemble de la Bretagne. Il y est proclamé duc, c’est-à-dire « meneur », titre prenant la place de roi. Il devient ainsi le premier duc de Bretagne. Les Vikings (ou Normands) sont définitivement chassés de Bretagne en 939, après une ultime bataille à Dol.

Raid viking (Source  http://quercus.canalblog.com/archives/2009/04/19/13438707.html)
Implantations vikings en Bretagne
Guerrier normand du VIIe siècle, d’après Strutt, tiré d’un manuscrit anglais
Monnaie Viking
Alain Barbetorte (Source : http://gwendallazzara.canalblog.com)

Le renouveau de la Bretagne

 

Naissance du duché de Bretagne

 

A la mort d’Alain Barbetorte en 952, la Bretagne est soumise pendant quelques décennies de turbulences liées à la succession entre les fils naturels et légitime d’Alain. Les bretons sont de nouveau unifiés sous l’autorité de Geoffroy, fils de Conan le Tort, en 995, qui prend le titre de duc. Alain III lui succède, et une guerre fratricide se déclare entre lui et son frère Eudon qui obtient le fief de Penthièvre s’étendant jusqu’à Tréguier.

 

L’avènement de la chevalerie à Hillion

 

Les exilés bretons qui s’étaient réfugiés en Grande-Bretagne et en France pendant la période d’anarchie et d’occupation normande reviennent en Bretagne avec une nouvelle notion, le féodalisme, abandonnant les anciennes coutumes fondées sur des liens réciproques d’obligations. Les paysans qui vivaient libres et indépendants voient se renforcer des liens de dépendance personnelle envers le plus riche des propriétaires foncier qui devient peu à peu un chevalier pétri de principes différents.

 

L’apparition de la chevalerie va de pair avec la création de mottes féodales. Celles-ci sont souvent constituées d’un tertre artificiel en forme de cône, d’une hauteur de 5 à 7 mètres, d’un diamètre pouvant varier de 20 à 30 mètres, surmonté d’une tour en bois fortifiée. Ce tertre est entouré d’un système plus ou moins élaboré de talus et de douves. Selon Henri Frottier de la Messelière, il aurait existé au moins une motte féodale à Hillion, au lieu dit « La Motte Verte », à proximité du centre bourg actuel. Cette hypothèse est renforcée par la présence avérée à Hillion des chevaliers de Hillion, et peut-être d’autres chevaliers, au cours du XIe siècle, comme il est exposé ci-après.

 

La Bretagne est souvent troublée par une jeunesse guerrière prompte à se battre et à vivre de rapines. Des exutoires sont nécessaires pour calmer son ardeur. La conquête de l’Angleterre puis les croisades lui offrent des opportunités.

costumes paysans, ouvriers et bourgeois (source « La France pittoresque »)
Motte castrale (source « passion médiévale.com »)
chevalier XIe siècle