Mémoires contemporaines (2)
LA GUERRE
1914-1918
Les années de transformation précédente vont être brusquement arrêtées par le conflit le plus meurtrier de l’histoire. Toute une génération sera sacrifiée et Hillion n’échappera pas au massacre avec plus de 120 « morts pour la France », sans compter les blessés, gazés, mutilés qui devront aussi vivre avec le souvenir d’un immense carnage.
1. Hillion, un village dans la guerre
En ce début d’année 1914, les relations diplomatiques entre la France, l’Angleterre, la Russie (la Triple entente) et l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, l’Italie (la Triplice) sont très tendues, mais c’est en juin et juillet, après l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand héritier de l’empire Austro-Hongrois que les événements vont s’accélérer. Lorsque le tocsin résonne à Hillion le 1er août 1914, personne n’est réellement surpris par la mobilisation générale mais nul ne se doute du grand bouleversement à venir. De par son ampleur, sa durée et sa barbarie, la guerre 1914-1918 va durement éprouver la France, la Bretagne et Hillion.
A la veille de ce 1er conflit mondial, Hillion est une commune rurale de 2304 habitants dont le dernier recensement de population de 1912 confirme un déclin démographique entamée depuis plus de 50 ans ; la commune a perdu 33% de sa population entre 1846 et 1936, la première guerre mondiale ne fera qu’accentuer ce déclin par le nombre de décès consécutifs aux combats, le déficit de natalité et l’exode rural.
Durant les 4 années de ce conflit mondial, 451 hillionnais vont être mobilisés dans l’armée française soit 19,5 % de la population communale, chiffre comparable au 20 % de mobilisés au niveau national. C’est 41 % de la population masculine de la commune évaluée à 1100 hommes. Bien sûr cette mobilisation va s’étaler tout au long de la guerre mais les classes les plus jeunes seront appelées de façon anticipée afin de combler les pertes importantes subies par l’armée française. C’est tout de même 225 soldats qui vont quitter leur foyer dès août 1914, une soixantaine les rejoindront de septembre à décembre 1914, puis une cinquantaine en 1915, une quarantaine en 1916, une vingtaine en 1917 et enfin 15 en 1918 ; pour cette dernière classe d’âge, certains n’avaient même pas encore 19 ans.

Il suffit de se recueillir sur les 2 monuments aux morts de la commune pour comprendre l’hécatombe de cette guerre. 100 hillionnais résidants vont y laisser la vie, soit près d’un homme mobilisé sur 4, 22 % exactement, chiffre nettement plus élevé que la moyenne nationale qui est admis autour de 16 %. Comment interpréter ces chiffres effroyables pour Hillion ? Certainement pas en réduisant l’explication à des régiments bretons ayant servi de chair à canon comme ça été si souvent avancé, il faut certainement y voir plus surement une population hillionnaise jeune, plutôt incorporée dans des régiments d’active très sollicités en première ligne. La moyenne d’âge du poilu hillionnais décédé pendant le conflit est de 28 ans, preuve du sacrifice d’une génération de jeunes soldats. La plus jeune victime n’avait même pas 19 ans, Elie LE LEY, incorporé dans le 41e régiment d’infanterie et mort d’une tuberculose en 1916, il est inscrit sur le monument aux morts de Saint-René. Autre jeune victime, Louis-Marie SORT de la Ville Jéhan mort de ses blessures à 20 ans dans un hôpital allemand le 10 octobre 1918, un mois avant le terme de cette guerre ; la famille SORT avait déjà perdu un fils, Jean-Marie en 1915 et un autre était prisonnier de guerre depuis septembre 1914, tragique destin d’une famille hillionnaise.
Les soldats sont bien sûr mobilisés majoritairement dans l’infanterie, 242 hommes au total, arme qui va connaitre les pertes humaines les plus importantes. Pour autant, pour Hillion, des particularismes existent sur l’affectation des soldats, ainsi 52 hommes vont rejoindre la marine, soit près de 12 % des mobilisés, attestant une tradition maritime très forte sur notre territoire. 6 de ses marins ne reviendront jamais chez eux le plus souvent victime de maladies contractées en service.

La présence de poilus hillionnais dans des régiments d’infanterie très actifs sur le front, à l’image de l’activité du 71e Régiment d’Infanterie de Saint-Brieuc, est également corroborée par le nombre important de prisonniers de guerre. 33 hillionnais ont été recensés comme prisonniers, la plupart ayant été fait prisonnier dès août 1914 lors de la guerre de mouvement. Pour ceux-là, la guerre n’aura duré qu’1 mois mais seront internés plus de 4 ans dans des camps en Allemagne. 2 d’entre eux réussiront cependant à s’évader tel Julien GUINARD du Pont-Harcouët ou Louis GUERNION de la Croix-Petit-Pierre qui regagnera la France en décembre 1915 et qui après une brève convalescence à Hillion rejoindra son unité du Ier régiment d’infanterie colonial. Un autre de ses prisonniers, Joseph PARISE de la Grandville, aura même la malchance d’être fait prisonnier une seconde fois au cours de la guerre 39-40.

Des 353 soldats revenus saufs de la guerre, beaucoup ne sortiront pas indemnes de cette hécatombe. 96 d’entre eux ont été blessés, soit près d’un homme sur trois. 135 blessures ont été répertoriées, dont la moitié par éclats d’obus ; certains hommes ont subi plusieurs blessures, tel Pierre VEILLON des Landes qui comme 3 autres hillionnais aura été blessé 3 fois au cours du conflit, ce dernier aura la particularité d’avoir subi 3 types de blessures : éclat d’obus, balle et gaz asphyxiants.

Les Hillionnais ont participé à toutes les grandes batailles de cette guerre sur le sol français, les batailles de « la Marne », de « la Somme », « du Chemin des Dames », parfois même à l’étranger dans l’armée d’Orient. En cette année 2016, nous commémorons le centenaire de la bataille de Verdun et nous ne pouvions omettre de distinguer le parcours de 8 hillionnais ayant participé à cet enfer. Des 8 soldats présents à Verdun, 4 n’en reviendront pas : Louis-Marie COLLET, Armand LE BRETON, François TUAL et Jean-Louis SOUPLET ; les 4 autres seront blessés dont Jean RENAULT de Saint-René, incorporé dans le 1er Zouave, qui sera touché par un éclat d’obus dès le début de l’offensive allemande le 27 février 1916 à Douaumont. Ironie du destin, il sera également blessé par balle à Craonne lors du 1er jour de l’offensive française du Chemin des Dames le 16 avril 1917.
Le dévouement et le comportement exemplaire de tous ces soldats sont symbolisés par le grand nombre de distinctions reçues par nos poilus, 65 d’entre eux obtiendront une citation et plus de 50 recevront la croix de guerre.
La victoire obtenue sur l’Allemagne en 1918 laissera un goût amer tant les conséquences humaines, sociales et économiques de cette guerre sont immenses. Les réparations exigées par les alliées lors du traité de Versailles en 1919 portent en elle les germes de la seconde guerre mondiale. La « der des ders » ne sera malheureusement pas la dernière guerre pour 14 poilus hillionnais mobilisés une seconde fois lors de la campagne de 1939-1940.

2. La vie à Hillion pendant la guerre
L’administration communale a continué à fonctionner pendant toute la durée de la guerre, les maires ayant très souvent, passé l’âge d’être mobilisé, les instituteurs non mobilisés ou les institutrices ont rempli les fonctions de secrétaires de mairies.
A la fin Août le souvenir des absents vient préoccuper les esprits, les rares nouvelles deviennent plus abondantes et parfois se contredisent , les premiers blessés arrivent, malgré l’arrêt de l’avance allemande, la guerre se poursuit avec l’angoisse d’apprendre un malheur.
La vie économique a continué , pendant la durée de la guerre, grâce aux femmes, aux enfants, et aux « vieillards » . La population n’ a pas trop souffert de rationnement, ni d’argent avec les pensions et allocations de l’État versées aux veuves et orphelins, et si l’augmentation du prix des denrées a enrichi les cultivateurs et les commerçants, la dernière année a été plus difficile avec l’arrivée de la grippe.
A l’église, les prêtres ont entretenu le patriotisme par la lecture des lettres pastorales de l’évêque de Saint Brieuc dans lesquelles il exaltait la gloire des soldats et le devoir des civils.
Un autre fait qui a contribué à maintenir le bon esprit et le patriotisme dans la population , à la faire tenir, c’est la lecture des journaux. Les familles lisent beaucoup, surtout le dimanche, les faits de la semaine. Les journaux, tous de tendance modérée, sont écrits dans un très haut sens patriotique. Les plus lus sont: Ouest Eclair de Rennes, Le Petit Parisien, La Croix, Le Moniteur des Côtes du Nord, ….. Il en est résulté que cette lecture a puissamment contribué à conserver le moral de la population et que l’instruction générale s’est développée.

Vive la France ! MONGIS JosephPendant toute la durée de la guerre, les enfants ont continué à fréquenter l’école. Pendant les hivers rigoureux de 1914 et 1915, les femmes et les élèves ont confectionné des vêtements chauds pour les soldats.
Le 11 novembre 1918, le grand soulagement, dès la connaissance de la signature de l ‘armistice les cloches sonnent, les enfants chantent des chants patriotiques.
3. Les conséquences de la guerre
Dans ce conflit, 90 Hillionnais sont MORTS POUR LA FRANCE, 126 noms figurent sur les monuments aux morts d’Hillion et de Saint René (résidents et natifs d’Hillion ) auxquels doivent s’ajouter des oubliés, au total 145 noms pourraient y être inscrits.(fiches 010901 et 010902)

A la fin de cette terrible guerre la France est victorieuse mais épuisée. Ce conflit aura endeuillé de nombreuses familles, laissé des veuves, des orphelins, des blessés « les gueules cassées », des traumatisés à vie.
4. Les monuments aux morts
Pour rendre hommage aux soldats morts pour la France, l’Etat encourage dès 1919 la construction de monuments aux morts. Il promulgue plusieurs lois qui en définissent le cadre. Toutes les communes décident d’ériger de tels monuments. Pour les financer, l’Etat octroie des subventions qui sont fonction du nombre de soldats morts et du chiffre de la population. Ces subventions de l’Etat sont généralement insuffisantes, de nombreuses communes aux revenus souvent modestes, sont dans l’incapacité, même en y ajoutant des subventions communales, de financer leur monument aux morts. Des appels à souscription sont lancés auprès de la population qui y répond avec ferveur, ainsi que de généreux donateurs.
La conception des monuments est laissée à l’appréciation des communes. En 1920, la municipalité de Hillion, désormais tenue par les radicaux-socialistes vote la création d’un monument aux morts à Hillion. Elle désire un monument neutre et laïc. Le recteur refuse de le bénir s’il n’y a pas une croix. On tergiverse et finalement, il est accepté une petite croix sur le sommet. (fiche 010902).

Aucune directive ne fixe les règles d’inscription des noms sur les monuments. Les municipalités fixent leur choix et optent, très souvent pour l’inscription des natifs et des résidents de la commune.Toutefois, on peut constater de nombreuses exceptions, des noms apparaissent de soldats n’ayant plus de lien avec la commune ou celle-ci n’étant que le lieu de résidence des parents.
Pour la commune de Hillion, qu’il s’agisse du monument aux morts du bourg de Hillion ou de celui de Saint René, l’association « Histoire et Patrimoine de Hillion » a réalisé un important travail de recherches, avec croisement de diverses sources, qui a permis de clarifier cette question.
Sur le monument aux morts du bourg de Hillion sont inscrits 85 noms, qui se répartissent de la façon suivante :
- 66 résidants dans la commune
- 16 non résidants (originaires ou non de la commune)
- 3 d’origine inconnue

41 noms apparaissent sur le monument aux morts de Saint René :
- 33 résidants dans la commune
- 6 non résidants
- 2 d’origine inconnue.
En outre, l’étude des 706 fiches matricules des soldats recensés (originaires de Hillion ou résidants) montre que 2 Hillionnais morts pour la France, résidant dans la commune, ne sont pas inscrits sur les monuments aux morts, et que 25 autres poilus morts pour la France, nés à Hillion, mais n’y résidant plus lors de la guerre, ne sont inscrits ni sur les monuments aux morts de la commune ni sur ceux d’une autre commune.
Les deux soldats résidants à Hillion avant la guerre, non inscrits, sont :
- Jean-François HERVE, mort le 21 octobre 1915 à Villiers Marmory (51)
- Pierre-Marie FEURGAT, mort le 24 février 1915 à l’hôpital de Cherbourg (50), marin, non déclaré mort pour la France
A Saint René, le projet initial prévoyait l’apposition d’une plaque de marbre dans l’église Saint Ronan. Compte tenu du montant des fonds collectés (souscription publique, subvention municipale et subvention préfectorale) qui dépassa les prévisions, il fut décidé d’ériger un monument aux morts. (cf Fiche 010901).




