Histoire des origines au XIIIe siècle (3)

HILLION :
DU XIe AU XIIIe SIÈCLES

À partir du XIe siècle, les sources écrites sont un peu plus nombreuses, quoique bien rares jusqu’au XIVe siècle. Le premier écrit mentionnant un hillionnais, en la personne de Hervé de Hillion, compagnon de Guillaume le Conquérant, date de 1087. Les autres écrits, épars et fragmentaires, concernant Hillion, proviennent essentiellement des cartulaires des abbayes de Boquen, de saint-Aubin-des-Bois et de saint-Melaine (Rennes).

Comme pour les périodes précédentes, nous avons souhaité rattacher les quelques fragments relatifs à l’histoire de Hillion au contexte local et régional sans lequel on ne peut retracer et comprendre l’histoire de Hillion.

Nous avons cherché à illustrer cette période par une iconographie locale ou régionale, et parfois même nationale, afin d’illustrer les faits dans lesquels les récits s’inscrivaient, afin de les rendre plus compréhensibles. Il ne s’agit cependant pas de présenter une monographie exhaustive sur ce que nous connaissons de ces périodes, ce sera l’objet de travaux ultérieurs qui prendront également en compte les recherches que notre association continue d’effectuer.

1 cartulaire : ensemble de documents relatifs aux biens et droits concernant l’histoire ou l’administration, pour en assurer la conservation et en faciliter la consultation. Concerne souvent les abbayes.

1. Un début militaire structurant

Les relations des Bretons avec les Normands

En ce début de XIe siècle, malgré les unions entre les familles régnantes, les relations entre la Bretagne et la Normandie restent très tumultueuses. Pourtant c’est bien la Normandie qui se trouvera au cœur des événements de ce XIe siècle breton, des événements qui auront des incidences majeures en Penthièvre, dans la châtellenie de Lamballe, mais aussi dans la seigneurie de Hillion.

Certes, au début de ce siècle Geoffroy (duc de Bretagne de 992 à 1008), pour consolider son alliance avec son puissant voisin, parvint à obtenir la main d’Havoise, fille de Richard « Sans Peur », duc de Normandie (930-996), et sœur de Richard II (996-1026). Geoffroy négociera même quelques années plus tard le mariage de sa propre sœur, Judith de Bretagne, avec Richard II. Les deux ducs sont donc alliés plus que jamais… et doublement beaux-frères. Alliances purement stratégiques.

À la mort de Geoffroy, en 1008, son fils Alain n’est âgé que de 10 ans, c’est donc sa mère, Havoise, issue d’une influente famille de la noblesse viking, qui deviendra duchesse douairière de Bretagne, régente pour son fils mineur. La tentation est grande pour la Normandie, de plus en plus puissante, de mettre enfin la main sur la Bretagne vulnérable. Le fils de Richard II, Robert 1er, exige d’ailleurs un serment de fidélité d’Alain III. Un conflit s’en suivra, mais heureusement pour Alain, Robert dit « le Diable » meurt en 1035, ne laissant qu’un seul héritier âgé de 8 ans : Guillaume le Bâtard, qui devra très tôt endosser le lourd manteau ducal.

La naissance du Penthièvre

Quand Havoise disparaît à Rennes, en 1034, des dissensions surgissent dans la maison régnante bretonne, entre Alain III et son frère cadet, Eudes. Celui-ci finit par obtenir un immense domaine dans le nord de la Bretagne, qui deviendra, vers 1035, le comté de Penthièvre (en gros « entre Rance et Trieux »), comprenant donc la châtellenie de Lamballe, résidence principale du comte Eudes. (incluant la paroisse de Hillion).

1035, Alain III estime que l’heure de la revanche a sonné. Il est petit-fils, par sa mère Havoise, du duc Richard 1er, et affiche désormais ses prétentions sur la Normandie. Il déclare avoir été désigné tuteur du petit Guillaume par feu Robert « le Diable » et lance ses troupes en Normandie pour s’imposer. Hélas pour lui, c’est lors d’un de ces combats qu’il trouvera la mort en 1040 à Vimoutiers, près d’Argentan. Son fils, Conan II, n’a qu’une dizaine d’années. Trop jeune pour régner.

C’est logiquement que le frère cadet d’Alain, Eudes, prend alors le pouvoir en Bretagne, en réaffirmant, comme son frère disparu, ses droits de succession sur la Normandie. Il sera battu par l’armée du jeune Guillaume à la bataille de Val-ès-Dunes, près de Caen, en 1047.

Une défaite qui va affaiblir Eudes, poussé vers la sortie par la haute noblesse bretonne, estimant qu’à 17 ans, le jeune Conan II peut désormais régner. Eudes se replie donc, en attendant sa vengeance, dans son apanage du Penthièvre, laissant les rênes du duché (sans le Penthièvre) à son neveu.

Celui-ci va poursuivre le combat contre le jeune duc Guillaume qu’il tient pour un « usurpateur », comme le répétait Alain, son père. Les « incidents de frontière » entre la Bretagne et le duché normand se multiplient, Conan lance un ultimatum à Guillaume… qui a d’autres chats à fouetter : il vient de traverser la Manche, et remporte, le 14 octobre 1066, la fameuse bataille d’Hastings et devient Guillaume le Conquérant, à la fois roi d’Angleterre et duc de Normandie.

Conan n’a pas eu le temps de déclencher les hostilités, il meurt empoisonné – mystérieusement – le 11 décembre 1066.

De son côté – vengeance contre son neveu Conan ? – le comte Eudes a pris le parti de Guillaume.

Des Hillion à la bataille d’Hastings

Des centaines de Bretons, ce samedi 14 octobre 1066, participent en effet à la bataille d’Hastings, puis à la conquête de l’Angleterre, au service de Guillaume.

Il y a là les seigneurs de Dinan, de Fougères, de Vitré, de Dol-Combourg, de Gaël… mais aussi les Penthièvre, dont les deux fils du comte Eudes : Brien et Alain « le Roux », lequel est désigné pour commander sur le champ de bataille la division des Bretons, Manceaux, Angevins et poitevins.

Eudes de Penthièvre, on l’a dit plus haut, régnait, entre autres terres, sur la châtellenie de Lamballe, dont dépendaient les seigneurs de Hillion, vassaux directs des Penthièvre. Il était donc normal – pour ne pas dire obligatoire – que les Hillion suivent leurs seigneurs dans l’épopée anglaise de Hastings et de ce qui s’en suivit.

Parmi ces mercenaires bretons, en effet, comme le révèlent les anciens manuscrits – et notamment le Domesday Book -, un certain Hervé de Hillion, mais aussi Tihel de Hillion, ont combattu à Hastings, avant de recevoir des terres et de s’installer en Angleterre sur plusieurs générations.

Le nom de Herveius de Helion mentionné dans le fameux Domesday Book conservé depuis 1087 en Angleterre, vient au passage rappeler l’orthographe bretonne du mot Hillion, patronyme et toponyme. Une orthographe bretonne que l’on retrouve dans d’autres documents anciens sur l’histoire de Hillion cités notamment par les historiens de référence de la Bretagne comme Dom Morice ou Dom Lobineau. Par les hasards et les fortunes de l’Histoire donc, la mention la plus ancienne de Hillion, ne se trouve non pas en Bretagne, mais en Angleterre. (tous ces éléments, et d’autres présentés ci-après, sont extraits du livre » Bretons de la bataille d’Hastings – Hillion, une famille, un village » par Pierre Hillion – 2015)

L’église romane de Hillion (fin XIe siècle)

La construction de l’église saint Jean-Baptiste date de la fin du XIe siècle. Elle suit donc de peu la conquête de l’Angleterre. A l’instar de l’érection de nombreuses églises en Normandie après cette conquête, on peut faire l’hypothèse que c’est l’enrichissement soudain des chevaliers de Hillion (notamment Hervé et Tihel) qui a conduit à la construction de l’église. Le principe architectural retenu plaide également pour cette hypothèse. Il correspond en effet à un style normand, avec tour-clocher implantée à la croisée du transept. Cette tour ayant servi de guet pendant la guerre de succession de Bretagne est donc antérieure à la transformation de l’église à la fin du XIVe siècle, et a donc été intégrée à l’église romane. (cf fiche 02.01.01).

2. Aperçu de la vie économique à Hillion

Des moines en aval du Gouessant

Les Ponts Neufs, lieu d’activités industrielles et commerciales importantes

3. Des chevaliers à Hillion

Les chevaliers de Hillion au XIIIe siècle

Alors que la branche anglaise des Hillion prospère et s’épanouit outre-Manche depuis 1066, la première mention sur les Hillion de Bretagne, citée par les historiens, apparaît 150 ans plus tard et concerne Rolland de Hillion, en 1216, qui figure parmi les seigneurs faisant une donation à l’abbaye de Marmoutier (Tours).

Rolland de Hillion, qui porte le titre de « miles » (chevalier) réapparaît en 1219 dans un acte du cartulaire de l’abbaye de Saint-Aubin-des-Bois (Anatole de Barthélémy. Anciens évêchés de Bretagne) et dans autre acte de 1224 de la même abbaye dans lequel il confirme sa donation à l’abbaye d’une mine de froment sur ses dîmes de Plédéliac.

Grâce à une autre charte de ce monastère cistercien de Plédéliac on connaît aussi l’identité du père de Rolland de Hillion : Geoffroy Roussel de Hillion qui, dès 1224, occupait les fonctions de sénéchal de Lamballe. (Dom Morice).

Les anciens manuscrits évoquent aussi les mésaventures de Gui. de Hillion, blessé en mission dans l’escorte du duc de Bretagne, Jean V de Montfort. Ainsi que les nombreuses références à l’écuyer Guillaume de Hillion, à un archer nommé Lancelot de Hillion, à Jehan de Hilyon, noble seigneur de Hillion…

Dès le XIIIe siècle les Hillion portaient des armoiries, dont celles de Rolland de Hillion (« De gueule à une bande d’argent ») reprises par la commune de Hillion en 1979, avec un rajout de trois hermines noires sur la bande d’argent.

Tous ces Hillion cités dans les manuscrits (les autres, moins illustres, n’ont pas laissé de trace) appartiennent, pour la plupart, au monde guerrier de la chevalerie et apparaissent aussi, en tant que propriétaires terriens, dans les actes civils. Ils sont régulièrement présents aux « montres ou « monstres » (revues militaires) et figurent parmi les signataires des différents traités.

Rolland de Hillion, croisé avec Pierre Mauclerc

Les Bretons ne restent pas à l’écart des croisades dont la première, initiée par le pape Urbain II, commence en 1096. La Huitième expédition marquée par la mort de Louis IX est la dernière grande croisade. En dehors des grandes croisades numérotées par les historiens, de nombreuses autres croisades de moindre envergure ont lieu pendant près de deux siècles. Ainsi, Pierre Mauclerc, qui a remis le duché de Bretagne à son fils Jean, est chargé par le pape Grégoire IX de conduire l’armée des chrétiens en 1239, regroupant la noblesse de France. Il rassemble notamment autour de lui ses vassaux bretons.

On sait qu’à cette date, grâce à une charte de janvier 1234 de l’abbaye de Saint-Aubin des Bois (p.194 du cartulaire) que Roland de Hillion s’acquitte de ses dettes contractées auprès des prêteurs juifs. Le texte de ce manuscrit indique également qu’il hypothèque ses terres et ses dîmes de Plédéliac auprès des moines de l’abbaye de Saint-Aubin, et qu’il ne pourra pas acquitter ces dîmes avant huit années.

À cette époque, les bénéficiaires de ces prêts par les moines contre des gages en dîmes étaient « le plus souvent les laboureurs et les chevaliers partant pour la Terre-Sainte », précisent Anatole de Barthélémy et Geslin de Bourgogne dans « Mélanges historiques et archéologiques sur la Bretagne » (1856).

Tout porte à croire donc que Rolland de Hillion planifiait un projet au long cours tel qu’un pèlerinage armé en Terre-Sainte. La fameuse croisade dite  » des barons » qui prit fin en 1240.

Rolland de Hillion revient de cette croisade. Il est fait mention de lui dans plusieurs actes, notamment datés de 1241 et 1242, concernant le moulin de Quilloury proche de l’abbaye de Boquen.

Les autres familles nobles de Hillion

D’autres familles nobles de Hillion, comme les Guéguen (cités plus haut), appartenaient également à la chevalerie bretonne. Leurs représentants étaient régulièrement présents aux montres, et la branche hillionnaise de cette famille, les seigneurs de la Villecolué et du Clos dans la paroisse de Hillion, portaient (sceau de 1504) : « D’argent à l’olivier de sinople; au franc quartier d’hermines, chargé de deux haches d’armes de gueules en pal ». Un écu affichant sans ambiguïté que ces deux haches de combat, couleur sang (de gueules) avaient vu les contrées du bassin méditerranéen où poussent les oliviers, sur les routes des croisades vers Jérusalem.